samedi 21 octobre 2017

BUGARACH- QUILLAN , le sentier cathare en désordre

           
               A faire un petit tour, bien que la carte annonçait trop de passages en forêt à mon goût, l'étape Bugarach-Quillan me sembla s'imposer, comme savent parfois s'imposer de mauvaises idées avec une force de conviction qu'envierait plus d'une bonne intuition laissée sans suite. Il s'agissait d'aller de Bugarach à Quillan , mais aussi de revenir sans mettre trois jours hors sentiers balisés, surtout en pleine période de chasse. Je n'étais pas bien fixée sur le chemin du retour, mis à part que je voulais qu'il fût différent de l'aller . Les possibilités étaient réduites pour revenir en un seul jour à mon point de départ .

               Temps superbe, je m'éloigne du Bugarach par un agréable chemin forestier.

Le Bugarach le matin, vu de l'est

   Le chemin se prolonge avec quelques agréables ouvertures sur le paysage.



                   Un vol de vautours me surplombe. Alors que je suis arrêtée un bref instant, l'idée incongrue me vient que je n'aimerais pas recevoir sur la tête une cagade de ces gros machins (mes pensées ne flottent pas toujours dans un éther poétique!)


       Derrière la montagne (le Cardou, sauf erreur), on voit les terres rouges de Serres (cf la balade du 16/11/2016). La grimpette sur le Cardou est au programme, peut-être cette année .


 Je sors enfin de la forêt et débouche sur des prés; le Bugarach est au fond, à l'est .



A l'ouest


Encore l'est, encore le Bug



   Arrivée sur le Bézu, village en fin de route




découpe la jolie image et colle la dans ton cathécisme avec une belle citation de l'évangile 

moi, je préfère celle-là

Saint Just
la mairie

l'église et la voiture

chemin de croix, 
SaintJulia de Bec en vue



Je traverse le village et m'en éloigne



         Suit une montée longue et très ennuyeuse sur une longue longue piste forestière, avec parfois une échappée mais généralement bouchée .



               J'ai marché d'un pas vif pour me sortir de ce passage  interminable et j'arrive avec surprise aux Trois Quilles où je grignote quelques fades mais si jolies arbouses pour mon goûter . J'ai pris un repas un peu trop léger et elles tombent à pic, il faut vraiment avoir faim pour en manger (ou avoir entre 2 et 12 ans)



Vue sur le début des Gorges de la Pierre Lys et le village de Belvianes . Demain, je passerai par là avant de contourner les gorges en passant par la gauche de la photo.


sur la gauche, le pic de Bitrague 
          Je délaisse une invitation fléchée à monter au sommet de Bitrague , il fait chaud et j'en ai soupé de ces chemins minables, je franchis un petit col  et ,ô surprise, je découvre Quillan. Je suis  à demi-contente, soulagée d'en avoir fini avec cette partie que  j'ai détestée mais contrariée de voir qu'il est si tôt , je pensais arriver  vers 4 ou 5 heures , il n'en est que deux et demi. La perspective de passer une après-midi entière à Quillan n'a rien qui m'enchante!
       
           A droite, Quillan ; au fond, au pied d'une montagne, le village de Ginoles, où passe la suite du sentier cathare et le col à franchir (cf Puivert - Nebias  juin 2017)



         La descente est un sentier raide et inconfortable mais dans de sublimes odeurs de garrigues, plutôt rares par ici. Les bruits de la ville montent, il fait très chaud , mais je traîne le plus possible afin de retarder mon arrivée .

  Une petite visite au château en passant.




Consternation! Il n'est que trois heures et quart! Pourtant j'ai pris mon temps!




             Après avoir tourné dans cette peu passionnante cité , je m'acheminai vers le camping où j'eus la mauvaise surprise de me rendre compte que j'étais seule, certes, j'avais le choix des places mais ce n'était pas très gai. Heureusement, il était doté d'une assez vaste salle de réunion qui faisait bibliothèque où j'ai passé la soirée . Quant à repartir, c'était risquer de me trouver sur une de ces pistes sans échappatoire au moment de bivouaquer , j'étais mieux là .

                Le lendemain, je suivis le cours de l'Aude , jusqu'à Cavirac, où je quittais le fleuve pour une piste forestière plus agréable que je ne pensais qui montait au col des Cerises, évidente escroquerie puisque de cerises, je n'en trouvais guère (il faut dire qu'en octobre, elles se font rares)

Belvianes, de l'autre côté de l'Aude


            Mon idée était ensuite de passer par la forêt des Fanges dont j'avais le souvenir de sapins immenses  . Malheureusement, si la piste que j'empruntai passait bien par la forêt, elle le faisait sur une pente extrêmement raide , avec des arbres bien courageux d'y pousser mais sans la majesté espérée.Une étude un peu plus attentive de la carte et des courbes de niveau m'aurait fait choisir un meilleur chemin! Pour compléter le tableau, je n'ai pas trouvé un sentier qui m'aurait ramené plus vite dans une zone de prés et j'ai du poursuivre la piste jusqu'à la lie, en l'occurrence le col de Saint Louis.
            Pour une fois, j'ai marché vite, sans m'arrêter pour regarder le paysage ou prendre de photos; ma moyenne progresse mais ce n'est pas mon but!

 Le Bugarach apparut enfin au moment où je m'inquiète de ne pas le voir.

                                           



   

Après des heures de fastidieuses pistes, je n'ai plus qu'à rejoindre le village de Bugarach, de l'autre côté d'une chaîne de collines.

PARAHOU LE GRAND

SAINT LOUIS



PARAHOU LE PETIT
Passé le col du Vent, je retrouve le chemin pris la veille et redescends sur Bugarach



Bugarach

En guise de conclusion, deux couchers de soleil sur le Bugarach , vus de chez moi (pourquoi bouger?)



samedi 9 septembre 2017

DE PUIVERT à FOIX, quelques étapes du sentier cathare

                    Après une savante étude météorologique qui annonçait, à la suite d'un épisode caniculaire de fin d'été suivi d'un refroidissement remarquable, quelques journées propices à la randonnée, je décidai d'aller explorer les dernières étapes du sentier cathare, celles qui mènent à Foix si l'on part de la Méditerranée . Je sacrifiai aux dieux deux ou trois jouvencelles et puceaux ainsi que quelques tablettes de chocolat et partis un beau matin en voiture pour me rendre à Puivert, où j'étais déjà passée en début d'été . Un pneu creva mais grâce à mes sacrifices propitiatoires et à l'efficacité d'un auto-stoppeur que j'avais embarqué à Bugarach, le problème fut vite résolu. Par un surcroît de protection de mes dieux tutélaires, un copain passant par là s'arrêta me dire bonjour et nous devisâmes gaiement pendant que mon passager travaillait. J'évitai ainsi toute contrariété due à ce contretemps.  Sur ce, les dieux décidèrent qu'ils en avaient fait assez et me livrèrent à mon libre-arbitre. La prochaine fois, je rajouterai une paire de bébés bien gras.

épisode précédent: de Quillan à Puivert - le labyrinthe de Nébias (17/6/17)

Premier jour: de Puivert à Espezel

puivert


Direction: droit devant


Approche progressive de la montagne


C'est parti pour de longues montées et descentes à travers les forêts de l'Escale et de Picaussel, lieu de violents affrontements entre les maquisards et les Allemands mais plus calme depuis un certain temps.



        Après avoir traversé la forêt de Picaussel, j'atteignis les ruines de la maison forestière des Ombres, bombardée par les Allemands en 1944, actuellement aménagée en lieu de pique-nique. Une aimable dame me proposa de partager son repas; je déclinai son invitation, je venais à peine de manger, mais ces moments sont infiniment plaisants, la vie semble facile et couler d'une eau claire.
         J'arrivai  alors  sur le plateau de Sault, plat, très plat. La pomme de terre qu'on y cultive est de bonne réputation.




           Après quelques ennuyeux kilomètres en ligne droite, j'entrai dans Espezel. Le ciel était gris ; le camping municipal semblait fermé, il n'y avait que cinq vieilles caravanes couvertes d'une mousse noirâtre.  Contrariée, je décidai de m'y installer quand même en franchissant la clôture avant de remarquer que le portillon s'ouvrait et que douches et toilettes étaient ouvertes .Nous étions dimanche et il n'y avait  personne; c'etait un peu sinistre. Tant pis, prête à défier le destin, je plantai ma tente sous un noyer. J'allai ensuite faire un tour "en ville" où, allez savoir pourquoi, me vint comme un vague à l'âme.












          Sur le soir, une animation bienvenue dans les rues


sortie de l'usine, les célèbres embouteillages de 19 heures à Espezel

             Il fait frais; il pleut pendant la nuit. Le matin en partant, je croise les vaches en sens inverse et je reprends ma route, pas fâchée de quitter les lieux. Ce village si morne s'anime chaque année d'une importante foire agricole où l'on est assuré de trouver les bestiaux de son coeur.

Deuxième jour: d'Espezel à Comus





           Je vais au bout du plateau, me trompe de direction à un croisement, puis, finalement, attaque au pas de charge la côte qui mène au plateau du Langarail.





   J'arrive du bout du plateau en ayant traversé victorieusement trois troupeaux de vaches qui se sont à peine rendues compte de ma présence, occupées qu'elles étaient à ruminer ( en milieu de journée, les vaches manifestent rarement une hyperactivité...)




Une côte assez raide et, merveille , apparition du pog de Montségur





Ensuite, une longue traversée forestière m'amène au Pas de l'Ours (1330 m),  avec vue sur la montagne et les gorges de la Frau
ce que j'en ai vu, sous un plafond bas
 deux photos plus intéressantes que les miennes sur le sujet


la suite du programme, pour le jour suivant, c'est le chemin au fond des gorges

l'ours du Pas

 Le col de la Gargante, le col du Boum et j'arrive au pla du Boum, apaisant après ces envolées wagnériennes du paysage.



Descente vers le village de Comus, Montaillou apparait dans le fond ( note pour les lecteurs de Le Roy Ladurie)

COMUS







l'école sans enfants



         Il fait très frais, le ciel est menaçant, je choisis de dormir dans un gîte et apprécie mon choix le lendemain, en me dirigeant vers les Gorges de l'Effroi dans un air bien vif .
            Ici, digression étymologique : effroi est la traduction de l'affrau, or, de source ancienne , ces gorges se sont toujours nommées la frau, autrement dit la fracture, ce qui se comprend tout de suite quand on se faufile entre des parois rocheuses pouvant atteindre les 400 m. Laissons l'effroi aux romantiques et engageons nous gaiement dans ces gorges profondes (du romantisme au pornographique!)

Troisième jour : de Comus à Montségur par les gorges de la Frau



Le contraste entre le fond des gorges sombre et le soleil sur le haut des falaises m'a fait rater pas mal de photos, mais rien n'est plus simple que de s'y rendre soi- même pour voir! Je recommande la balade. Impressionant.










 voie sans issue ou passage dans une autre dimension?






                                             
                                                          Fin des gorges et longue, très longue montée dans les bois par un chemin boueux qui mène à  Montségur.

le château
l'arrivée en contrebas du village

Deux photos trouvées sur gougueule



                   Pour tout renseignement concernant les cathares, leur religion, leur histoire et les guerres, prière de se référer aux ouvrages spécialisés; c'est beaucoup trop complexe pour être abordé ici .

                    J'avais déjà visité le château il y a une trentaine d'années ,comme je suis à peu près sûre qu'il n'y a rien de nouveau et que son intérêt architectural est modéré , je me suis dispensée de la grimpette pour aller regarder les reconstitutions au petit musée du village ; la forteresse actuelle est postérieure au castrum et aux habitations qualifiés maintenant de "cathares"  détruits par les Français; elle a été construite par les vainqueurs  sur ordre du roi. Les châteaux dits "cathares" sont généralement postérieurs, ce qualificatif est essentiellement une marque commerciale.

Quatrième jour : Montségur- Roquefixade

                   J'ai passé la nuit au camping local, modeste et peu cher, au terrain en pente et cabossé, à essayer de ne pas glisser vers les parois ruisselantes de la pluie qui ne cessa de tomber à partir de huit heures du soir. Le matin, après un arrêt chez le charcutier et chez le boulanger ( si vous passez par là, ne manquez pas de goûter son pain, il est excellent ) je partis sous une pluie fine et dans une brume épaisse. A un moment, émergea du brouillard un panneau indiquant le lieu supposé du bûcher où furent brûlés plus de 200 "hérétiques" ; c'était d'un sinistre absolu, mais l'ironie qui se joue de tous les drames me fit tomber les yeux  sur les restes d'un feu de camp tout proche où l'on fit sans doute griller quelques saucisses! D'un goût!

                    Je grimpais et descendis des sentiers gadoueux jusqu'à l'arrivée au  pont de Montferrier où le temps se dégagea. Je fis alors une halte pour faire sécher la tente et manger un savoureux sandwich au jambon cru que je  portais depuis Montségur en attendant de trouver un endroit sec (ou presque) pour m'arrêter. Quand on marche, les repas deviennent des évènements: ils sont des moments de repos et de rupture dans la monotonie du cheminement. La nourriture n'est pas assurée dans les villages où les commerces ferment et il vaut mieux porter quelques repas avec soi. Ce que je fis mais les utilisai plus tôt que prévu. En arrivant à Montségur, j'eus la désagréable surprise de trouver l'épicerie fermée depuis 3 ou 4 mois, le charcutier fermé l'après-midi et le boulanger sans pain ; heureusement qu'il me restait du poulet à l'aigre-doux...lyophilisé! Une intéressante expérience culinaire quand on a l'habitude de se mijoter de bons petits plats avec les produits du jardin!
                  Je devais contacter un ami à qui j'avais donné rendez-vous à Roquefixade; sa réponse m'importait car Montferrier est le dernier lieu avec épicerie avant Foix. Je n'eus pas de réponse, l'épicerie était fermée... dans le pire des cas, je n'aurai qu'une journée sans manger, on y survit, j'ai de quoi tenir!
          Le cas ne s'est pas posé, mais il est désagréable de se trouver dans ce genre de situation , l'épicerie de Montségur indiquée sur les guides a fermé avant l'été;  les commerces locaux disparaissent, les villages sont pour plus de la moitié constitués de résidences secondaires. L'assujettissement à l'automobile est total. Les anciens des villages ont oublié le goût du pain et ne mangent plus que les saletés industrielles qui leur sont parfois livrées.
             Les forêts dévorent les lieux autrefois cultivés, les bâtiments isolés ne sont plus que ruines, les nouveaux habitants, comme moi, qui repeuplent les villages sont totalement étrangers aux traditions et aux cultures locales.Les vieilles machines agricoles finissent de rouiller sous les ronces  et les savoir-faire se perdent ou se folklorisent. Qui sait aujourd'hui faire un lien avec une tige ramassée sur place, un geste simple que nous remplaçons par un processus long et complexe pour importer à bas prix une pelote de ficelle fabriquée en Asie ? Autrefois, le travail des paysans était harassant, maintenant il n'est plus que fatiguant ; à l'épuisement des corps ont succédé désespoir et suicides. Chaque parcelle retournée en friche est une défaite. Je parle d'agriculture paysanne, pas industrielle, bien sûr.

Montferrier


Au loin, le pog de Montségur


Arrivée sur Roquefixade



















           J'avais donné rendez-vous à un ami à 4 heures sur la place de Roquefixade et nous fumes l'un et l'autre d'une ponctualité remarquable autant qu'étonnante (de ma part), ce qui me permit de comprendre que l'évaluation de mon temps de marche est correcte, ça peut servir!
          Nous primes la route en direction de Laroque d'Olmes , bourgade voisine où mes amis ont eu un coup de coeur pour une demeure et je vais basculer de mes chemins boueux  dans l'ambiance cossue d'une maison de maître.

LA MAISON SAGE

            Christiane et Marc ont acheté une maison de maître appartenant à la famille Sage, famille d'industriels du textile , notables locaux recensés à Laroque d'Olmes depuis le moyen-âge. L'essor des moulins à eau fut propice à diverses industries dont  le travail du jais, du fer, de la corne,ect... ,et surtout  du textile.
              Les nouveaux propriétaires tiennent à garder la maison dans son état; ils l'ouvraient chaque année au public pendant un mois d'été, en exposant divers artistes, jusqu'au moment où le maire du village s'est avisé que cette demeure historique n'était pas aux normes actuelles et les emmerde pour qu'ils installent panneaux lumineux de sortie de secours, circuit électrique aux dernières normes sur les tapisseries anciennes, pour les quelques lumineuses journées d'été où ils reçoivent du public.

              Me voilà donc, toute crottée, entrée dans cette maison bourgeoise de 600 m2, qui me séduisit dès les premiers pas dans le couloir.



vues du jardin , de ses séquoias et du labyrinthe





Quelques pièces qui feraient apprécier la vie bourgeoise de province






détail de la plinthe de l'escalier






un lieu important: la cave





                Bref, il est des lieux où l'on se sent tout de suite chez soi, l'accueil de Marc y est pour beaucoup bien que j'ai regretté l'absence de Christiane . La visite de la maison nous occupa la soirée agréablement. Après une nuit sous une tente humide , mon nouveau toit fut un vrai bonheur.

l'église de Laroque d'Olmes
       

               Le lendemain matin, Marc ayant à faire à Foix, je visitai la ville , mais pas le château par manque de temps , ce n'est qu'un report.
















l'art de bousiller une demeure historique, la surélévation est audacieuse!





                J'étais censée continuer ma pérégrination mais je fus vaincue par le confort (et le mauvais temps) et acceptai avec plaisir la proposition de Marc de me reconduire à Puivert où j'avais laissé ma voiture . 
Je rentrai chez moi avec une certaine frustration d'avoir abrégé ma promenade mais convaincue que je suis faite pour une vie de luxe ( enfin, ça, je l'ai toujours été, quelques vicissitudes seules m'en éloignent! ) . Je chipoterai  moins à l'avenir sur le XIXème siècle, le confort bourgeois a du bon!